Une âme bousculer par tant d'émotions...

Chère Nancy

je ne crois pas que tu aies fait exprès de faire sortir ton petit Théo de ton ventre. Je ne crois pas que tu voulais qu'il sorte, alors, pourquoi ce serait ta faute. Moi, j'ai appris avec le temps que je ne suis pas maître de tout ce que mon corps fait. Je sais que c'est con, mais pourtant, on ne le contrôle pas. Il y a 4 ans, on m'appenais que je faisais du diabète. En tout début de grossesse. Ce n'étais pas du diabète de grossesse, mais du diabète juvénile, ou de type 1. Pourquoi je dis ça? Ben voilà, je faisais déjà attention à mon alimentation, en général, je mange équilibré et sans être une grande sportive, je prends l'air souvent, je marche pas mal l'été. Mais mon pancréas ne veut pas s'occuper du sucre. Il ne veut pas le transformer en énergie. Donc, je suis diabétique. Est-ce de ma faute? Il paraît que non, je ne peux pas demander à mon pancréas de faire sa job. Ben oui, je le peux, mais il ne m'écoutera pas.

Je crois que c'est un peu pareil pour ton ventre. Même si tu avais voulu, il aurait agit de la même façon. Pour ce qui est de consulter plus tôt, on ne sait pas, mais ça aurait pu ne rien changer. Ne culpabilise pas. Je sais que c'est difficile, moi aussi, je culpabilise énormément pour la perte de mon bonhomme, mais cette culpabilité, ajoutée à notre peine, à notre deuil, elle est difficile à gérer.

C'est normal d'être triste et je te trouve pas mal bonne d'être retournée à la garderie. Moi aussi j'enseigne à des touts-petits et certains jours, je trouve ça difficile. L'an prochain, j'aurais amené Jacob avec moi pour suivre son premier cours d'éveil musical.. Mais il ne sera pas là. Par contre, j'aurai peut-être mon neveu et c'est difficile un peu, mais je passerai au travers.

Oui, tu es une maman. Mais avec un enfant au ciel. J'espère que tout se passera bien pour la famille d'accueil. Ça prend beaucoup de courage pour accepter dans son foyer ses enfants en manque d'amour.

Tu as écrit : "J'espère que notre être supéreur ne me punira pas plus en ne m'envoyant pas d'autre enfant même s'il ne sont pas de mon sang."

Personnellement, je crois en Dieu et le Dieu auquel je crois n'est pas un Dieu punisseur ou vengeur. Je le vois davantage comme un Père aimant qui souffre avec toi chaque fois que tu as de la peine, qui ne désire que ton bonheur.

Alors pourquoi les épreuves surviennent-elles? Je n'ai pas cette réponse. Cependant, ce que je remarque, c'est que chaque être humain a dans sa vie son lot d'épreuves pour lesquelles on n'y est pour rien. Je ne crois pas que ce soit une punition ou quelque chose qu'on a mérité. Cependant, je crois que chaque évènement a sa raison d'être, même si la signification nous semble incompréhensible.

Même si je ne comprenais pas, même si c'était douloureux, j'ai refusé de me révolter contre Dieu à la mort de Raphaëlle. Et à cette grossesse-ci, j'ai choisit de m'appuyer sur les promesses de Dieu et ce même si dans mes feelings, j'ai la peur au ventre. J'ai plutôt choisit de mettre ma foi dans la promesse suivante :

"Il n'y aura dans ton pays ni femme qui avorte, ni femme stérile. Je remplirai le nombre de tes jours." (Exode 23, 26)

Et à ce qu'on dit, la foi peut transporter des montagnes, alors elle peut certainement protéger un tout petit bébé...

Je te souhaite la belle famille que tu désires (que ce soit de ton sang ou non)!

Merci pour vos mots d'encouragement je sais qu'ici on me comprends. Tu as raison je dois croire en ma foi. Merci à vous deux.

Salut Nancy,

Il est tout a fait légitime de ta part avec ce que tu vis que tes émotions soient toutes chamboulées. Je te comprends, il m'arrive si souvent de ne pas être claire et concise. Ces émotions toutes mêlées ça fait partie du deuil aussi. C'est encore très récent pour toi. Il faut apprivoiser toutes ces émotions et pour ça il faut se laisser le droit de les vivres comme elle se présentes. En résistant ce sera peut-être pire, c'est ce que je crois. Il m'arrive souvent de résister, je travailles là dessus. La vie apporte son lot d'épreuve pour chacun, et son lot de petit deuil de la vie qu'on arrive généralement à mieux gérer. Le deuil de la mort est tout autre selon moi et qui plus est le deuil de notre bébé est selon moi le pire des deuils que des parents ont à vivre.

Aussi, tu travailles avec les enfants, tout comme moi, et ça ça demande beaucoup de courage de retourner si vite après ce que tu as vécue. On vit une telle proximité avec ces enfants. La présence des enfants peut parfois faire remonter des émotions, tu peux te laisser le droit d'avoir des faiblesses, ça ne veut pas dire que tu ne t'en sortira jamais, bien au contraire.

J'ai cette image qui me vient quand tu dis ceci:"J'ai l'impression d'être en mode de survie mais je fais aussi attention pour ne pas tomber et de ne pas être capable de remonter." J'ai le goût de la partager avec toi...

J'aimerais que la mer soit calme, mais c'est pas comme ça que ça se passe, je vis un deuil et je n'ai d'autre choix que de me laisser porter par les vagues si intense, si brusque, si violente parfois que je souffres tellement. Bien souvent, il y a des vagues de fond qui me submerge complètement et je suffoque, je ne peux plus respirer, je suis sous l'eau, pourtant je suis une très bonne nageuse. Je veux résister, je m'efforce de nager pour immerger à la surface, mais la vague est plus forte que moi et m'emmène plus creux encore. Tout à coup, je vois cette homme noir qui est là et me regarde, il a un air bienveillant, je sais qu'il veut m'aider, mais moi je ne veux pas. Je lui donnes des coups de pieds je ne veux pas me noyer, je le repousse de toutes mes forces. Peut-être avait-il quelque chose à m'apporter, mais je ne sais pas car je n'ai pas voulu lui parler. Puis, je m'éloigne et je reviens à la surface, la mer n'est toujours pas très calme, mais je peux apercevoir cette île au loin, j'aimerais tellement y être déjà. Mais, je sais que pour cela je dois me mouiller, je dois être dans l'eau. J'aimerais beaucoup mieux y aller sur mon radeau parfois, mais non, il n'y a pas de radeau, pour le moment... Une fois à la surface, je pense à cet homme en noir. Je sais que je retournerai peut-être le rencontrer de nouveau et cette fois-ci j'espère être capable de l'écouter et ne pas résister pour ensuite me laisser remonter sans peur. Je ne veux pas rester auprès de lui bien longtemps, mais je vais voir ce qu'il a à me dire. Pour le moment la mer est un peu plus calme à la surface, un peu plus chaude et il y a ce soleil qui me fais un clin d'oeil, il y a ce radeau tout près, puis cette île... Je souris il y a de l'espoir.

Ces vagues, cette île, l'homme noir, le soleil, le radeau... Parfois on aimerait que notre deuil soit derrirère nous que tout soit terminé et qu'on soit bien maintenant, tout de suite. Des fois je me dit que merde, ça va être long ce deuil, mais je crois que ce sera plus long si je ne me laisse pas guider par ces vagues qui un jour seront assurément plus calme. Je crois que le deuil est un processus et qu'il faut se mouiller pour le vivre et que l'eau peut être froide parfois, mais aussi chaude à d'autres moments, même avec toutes ces vagues. Oui, nous sommes sûrement en mode survie... mais si tomber et sombrer un peu sans se noyer voudrait dire aller à la rencontre de soi, qui nous ferait grandir et si cette homme noir avait les outils pour nous aider à mieux nager... et à se rendre à l'île... ou du moins au radeau...

Je sais que nous vivons toutes le même deuil, mais à des degrés différents, j'espère que je ne t'ai pas brusqué dans ma façon de raconter cette histoire. Ce que je désire c'est avoir pu t'aider un peu... chacun à sa façon d'imager ce qu'il vit.

En passant, pour ce qui est de Dieu, moi aussi je crois en un Dieu bon et bienveillant, tu retrouveras Théo un jour, mais ce jour n'est certainement pas maintenant, car comme je peux voir tu as de beaux projets qui s'en vienne et il faut s'y accrocher. C'est comme quand l'eau de la mer est un peu plus chaude et que le soleil te fais un clin d'oeil peut-être.

Bonne chance dans tes rêves et projets. Douces pensées à toi et ton ange Théo, il doit être fier de sa maman.