Bonjour à toi,
Premièrement, je tiens à te féliciter d'avoir écrit à Denis Lévesque. Je ne sais pas ce que tu en as pensé, mais pour ma part, j'ai été déçue. J'ai regardé son entrevue avec le papa d'un enfant trisomique en réaction avec la possible gratuité du test de dépistage (prénatest). Le papa prônait le bonheur de vivre avec son enfant trisomique. Quand je suis allé me coucher, je n'ai pas pu m'empêcher d'en parler avec mon chum (je l'ai réveillé en fait... ah ah ah) tellement cette émission m'avait ébranlée. Je me demande encore pourquoi M. Lévesque ne s'est pas informé sur le sujet (il parlait d'avortement à 2 mois de grossesse!! On n'est loin de ça me semble...) et présenter les deux côtés de la médaille. Après son entevue, javais l'impression d'avoir manqué de coeur d'avoir choisi l'interruption de grossesse, j'avais l'impression qu'on niait les difficultés et les émotions des mamans qui ont choisi cette alternative douloureuse.
Évidemment, si j'avais eu moins de 38 ans, si je n'avais pas eu d'assurances ou les moyens de payer le prénatest, si l'aminiocentèse n'avait pas été disponible, j'aurais eu mon ptit Roméo en juin prochain. Je sais que malgré sa trisomie 21, je l'aurais adoré, dorlotté, chouchouté. J'aurais fait avec, malgré toutes les difficultés et le peu de ressources. Mais on est en 2009... avec tout ce que celà comporte.
Comment j'aurais pu faire pour retourner travailler? Je n'ai pas les moyens de cesser définitivement de travailler, j'ai besoin de ce revenu pour répondre aux besoins des 4 autres enfants de la famille, le salaire de mon chum ne suffira pas... Les garderies acceptent-elles les enfants trisomiques? Pourrais-je dealer avec la méchanceté innocente des enfants qui risquent de heurter mon fils? Sera-t-il rejeté? Méprisé? Vulnérable sans aucun doute... Quel sera son handicap, léger, moyen ou sévère? En plus de son handicap intellectuel, aura-t-il des problèmes de santé graves qui nécessitent multiples hospitalisations, des opérations? Quelle sera sa qualité de vie? Quelle sera la nôtre? Aurais-je encore du temps pour m'occuper convenablement de chacun des membres de ma famille? Restera-t-il du temps pour notre couple? Me restera-t-il du temps pour moi? Hé quand viendra le temps pour moi d'aller retrouver les anges, pourrais-je partir l'esprit tranquille en sachant que mon fils sera toujours un enfant? Qui prendra la relève? Suite à ce questionnement, nous avons choisi d'interrompre la grossesse.
Je ne peux pas regretter ce choix parce que je l'ai fait en pensant à la qualité de vie de mon enfant, mais aussi en pensant à mes autres enfants, à mon chum, et à moi. On en a longuement parlé bien avant que je tombe enceinte de cette éventualité, j'ai évalué et réfléchie sans pression avant d'en arriver à une décision. C'était clair pour nous quand je suis tombé enceinte qu'on allait faire les tests pour s'assurer de la bonne santé de notre bébé. Évidemment, on passait les tests pour se faire confirmer la santé du bébé, on avait besoin d'être rassurés. On s'attendait pas à se faire dire que, hors de tout doute, notre bébé avait une anomalie... J'suis contente aujourd'hui d'avoir pu prendre une décision avant de tomber enceinte, parce qu'à l'annonce des résultats de l'aminio, j'aurait été trop émotive pour prendre une décision qui demande une dose de rationalité. Me séparer de mon ptit Roméo a malgré tout été très difficile, tellement cruel. Je pense à lui plusieurs fois par jours, j'en pleure quelques fois par semaine, je m'émerveille encore de son joli visage chaque fois que je le revois dans ma tête.
Toutes les questions que tu te poses sont normales. Comme Ève le dit, t'as pas pu prendre une dicision éclairée, on ne t'en a pas donné l'occasion. Bien souvent, en formulant un plainte, tu peux obtenir des réponses à tes questions et tu dénonces une situation qui ne devrait jamais se produire. Souvent, ça éclaire pas mal et ça permet une remise en question sur la pratique actuelle. Ça libère d'un poid. En plus, tu peux obtenir de l'aide dans ta démarche de plainte auprès du CAAP de ta région (1 877 767-2227). Ça simplifie les choses.
Pour retrouver ta joie de vivre, donne toi un peu de temps... C'est ce que je me donne à moi en tout cas, du temps pour que la blessure soit moins vive, du temps pour que les souvenirs que je garde de mon ptit Roméo soient moins sombres. Ça fait maintenant cinq semaines, je vois déjà une amélioration dans mes états d'âme. Je veux tellement aller mieux, être mieux... j'aimerais donc que ça se fasse rapidement, mais j'accepte mon rythme. Je sais déjà, que ça ne me laissera jamais insensible de penser à Roméo. Dans un an, ça va encore m'émouvoir, mais à un degré différent j'espère bien. D'ici là, je me permets de vivre mes émotions intensément. Je me donne le droit d'avoir de la peine, de pleurer, d'en parler, d'être en maudit contre la vie, de trouver injuste que y'aient tant de parents inadéquats qui puissent facilement avoir des enfants, pi d'espérer que le destin ne s'acharnement pas sur moi la prochaine fois. Il peut pas mouiller tout le temps...
Sois indulgente envers toi, c'est pas facile ce qui t'es arrivé.