Bonsoir à tous et à toutes,
Ce matin, j'ai envoyé par la poste une plainte au Collège des médecins du Québec contre le médecin de famille accoucheur qui a effectué le suivi de ma grossesse pendant le dernier trimestre (voir copie de la lettre ci-dessous). Ça m'a pris beaucoup de temps et d'énergie pour rédiger ma plainte, mais j'estime que cela m'a aidé à cheminer dans mon deuil et que je devais me battre pour mon ange. J'ai maintenant l'intention d'écrire à la Société des gynécologues et obstétriciens du Canada pour leur demander de rédiger un dépliant pour le public afin d'expliquer aux femmes enceintes comment procéder au décompte des mouvements foetaux. Je voudrais que tous les médecins remettent ce dépliant aux femmes enceintes. Si ça peut aider à sauver certains bébés, ça en aura vallu la peine.
Bref, j'ai vu que certains et certaines d'entre vous aviez déjà porté plainte contre certains hôpitaux et médecins, mais je ne vois personne encore mentionner avoir dirigé sa plainte au Collège des médecins. Est-ce que quelqu'un l'a fait ? Si oui, quelle a été votre expérience ? Est-ce que vous vous êtes rendu jusqu'au tribunal ?
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Le 18 août 2013
Direction des enquêtes
Collège des médecins du Québec
2170, boulevard René-Lévesque Ouest
Montréal (Québec) H3H 2T8
Monsieur, Madame,
Je vous écris aujourd'hui afin de demander qu’une enquête soit menée concernant le Dr XXX, médecin membre du Collège des médecins du Québec. J’ai raison de croire que le Dr XXX a fait preuve de négligence lors du suivi de ma grossesse et que sa négligence a mené à la mort intra-utérine par asphyxie de ma fille à 38 semaines d’aménorrhée (sa).
Le Dr XXX a pris en charge le suivi de ma grossesse, à ma demande, lorsque mon médecin de famille a cessé d’en assurer le suivi à partir de la 29
e sa.
Je reproche au Dr XXX d’avoir manqué à ses obligations telles que spécifiées dans le
Code de déontologie des médecins :
1.
Il a négligé à son devoir de promouvoir la santé et le bien-être de moi-même et de ma fille selon les normes actuelles les plus élevées possibles, lors des consultations du 16 juillet, du 17 août, du 6 septembre et du 13 septembre 2012, contrairement aux articles 3, 5, et 44 du
Code de déontologie des médecins :
a.
en ne me recommandant pas de procéder au décompte quotidien des mouvements fœtaux alors qu’il y avait raison de croire que ma grossesse présentait des facteurs de risque associés à une issue périnatale indésirable, soit un excès de liquide amniotique et une insertion placentaire marginale du cordon ombilical, tel que recommandé dans la directive clinique de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC)
Surveillance du bien-être fœtal : Directive consensus d'antepartum et intrapartum (2007);
b.
en ne m’avisant pas de l’importance des mouvements fœtaux au cours du troisième trimestre, même dans le cadre d’un grossesse ne présentant pas de facteurs de risque, tel que recommandé par la directive clinique de la SOGC
Surveillance du bien-être fœtal : Directive consensus d'antepartum et intrapartum (2007), ni de la manière de procéder au décompte des mouvements fœtaux, particulièrement en présence d’un excès de liquide amniotique pouvant influencer la perception des mouvements fœtaux;
c.
en ne m’avisant pas de communiquer avec lui ou de me présenter à l’hôpital dès que possible si je ne percevais pas six mouvements fœtaux dans un intervalle de deux heures, tel que recommandé par la directive clinique de la SOGC
Surveillance du bien-être fœtal : Directive consensus d'antepartum et intrapartum (2007);
2.
Il n’a pas donné l’attention nécessaire à l’élaboration d’un diagnostic et il n’a pas tenu compte de ses limites en médecine fœto-maternelle et des moyens dont il disposait à son bureau pour établir un diagnostic adéquat lors des consultations du 16 juillet, 17 août et 6 septembre 2012, lorsque je lui fais part d’importantes douleurs à l’abdomen dans un contexte où ma grossesse présente un excès de liquide amniotique de cause inconnue et une insertion placentaire marginale du cordon ombilical, et en me prescrivant une thérapie (Tylenol et RATIO-EMTEC-30) qui a possiblement contribuer à masquer un symptôme important (présence de fièvre) à l’établissement d’un diagnostic clinique de chorioamniotite, contrevenant ainsi aux articles 5, 42 et 46 du
Code de déontologie des médecins.
3.
Il n’a pas donné l’attention nécessaire à l’élaboration d’un diagnostic et a négligé d’assurer le suivi médical requis par mon état selon les normes actuelles les plus élevées possibles, à savoir de me référer à un centre hospitalier pour qu’un examen de réactivité fœtale soit effectué, tel que recommandé par la directive clinique de la SOGC
Surveillance du bien-être fœtal : Directive consensus d'antepartum et intrapartum (2007) dans le cas d’une patiente signalant une diminution des mouvements fœtaux, lors de la consultation du 13 septembre 2012, lorsque je l’ai informé que les mouvements du bébé avaient considérablement diminués suite à deux épisodes de contractions intenses, contrevenant ainsi aux articles 3, 5, 32, 42, 44 et 46 du
Code de déontologie des médecins.
Voici un résumé de mes interactions avec le Dr XXX. Toutes les consultations ont eu lieu à son bureau :
· Au moment de ma première consultation, soit le 16 juillet 2012 à 29 sa, je me plaints de douleurs généralisées à l’abdomen. Je lui explique que « ma bédaine » est très sensible et qu’elle fait mal, que la toucher est douloureux et que ça fait très mal lorsque le bébé donne des coups. Il me recommande simplement de prendre du Tylenol. Je lui relate aussi que la technicienne ayant effectué l’échographie du 13 juillet avait noté un excès de liquide amniotique, comparant le sac amniotique à une piscine olympique.
· Au moment de ma deuxième consultation, le 17 août 2012 à 33 sa, je lui dis que la douleur à ma bédaine est telle que j’en pleure le soir, que le Tylenol ne fonctionne pas et que je suis totalement épuisée. Il me prescrit du RATIO-EMTEC-30 et me met en arrêt de travail jusqu’à l’accouchement.
· Au moment de ma troisième consultation, le jeudi 6 septembre 2012 à 36 sa, il effectue un écouvillonnage recto-vaginal pour le dépistage du streptocoque du groupe B (SGB) et procède à un examen vaginal pour vérifier la dilatation du col de l’utérus ainsi que la position de la tête du bébé. Il m’informe aussi des résultats de l’échographie du 24 août. Lorsque mon mari et moi lui faisons part de nos inquiétudes au sujet d’un possible polyhydramnios, il nous rassure en affirmant avoir déjà accouché une femme avec un surplus de liquide amniotique sans problème et que, puisque le volume de liquide amniotique demeure stable, il n’y a pas matière à s’inquiéter.
· Au moment de ma quatrième consultation, le jeudi 13 septembre 2012 à 37 sa, je lui fais part de deux épisodes de contractions intenses, ayant durée environ deux heures chacun, au cours de la fin de semaine précédente et que, depuis ce temps, les mouvements du bébé ont considérablement diminués et que je suis inquiète. Il me demande si je suis tout de même capable de la sentir bouger (je réponds « oui, un peu ») et il vérifie pour la présence du cœur fœtal, sans toutefois prendre la fréquence cardiaque du bébé (battements par minute) puisqu’il n’a écouté que trois ou quatre battements (si tachycardie fœtale il y avait, il n’a pas pu le détecter). Il me dit de ne pas m’inquiéter, qu’il est normal de moins sentir le bébé bouger à la fin d’une grossesse. Puis, il m’informe que la culture recto-vaginale était positive pour le SGB et que je devrai donc recevoir des antibiotiques pendant le travail et l’accouchement.
Quelques jours après ma quatrième consultation avec le Dr XXX, soit le soir du lundi 17 septembre 2012, mon mari et moi décidons de nous présenter à la maternité de l’Hôpital de Gatineau car je m’inquiète de ne plus sentir le bébé bouger. Une échographie confirme ma pire crainte : le cœur ne bat plus. On nous offre de retourner à la maison pour revenir accoucher le lendemain. Je tiens à préciser que ce soir-là, même sachant que ma fille était morte, je continuais de la « sentir bouger » dans mon ventre. Le surplus de liquide amniotique faisait en sorte que, lorsque je bougeais, son corps inerte ballotait et se cognait contre les parois de mon utérus, donnant ainsi l’impression qu’elle bougeait encore d’elle-même. Le rapport d’autopsie conclut que ma fille est décédée par asphyxie des suites d’une villite lymphocytaire chronique et d’une chorioamniotite aigüe causées par un SGB.
J’apporte les éléments de preuve suivants au soutien de mes allégations, ci-joints en annexes :
- Les notes du Dr XXX prises lors des consultations.
- Le rapport de l’échographie du 4 mai 2012 effectué à 18 sa, lequel note une insertion placentaire marginale du cordon ombilical pouvant possiblement mener à un retard de croissance fœtale.
- Le rapport de l’échographie du 13 juillet 2012 effectué à 28 sa, lequel note que le volume de liquide amniotique, bien que normal, se situe dans le 90e percentile (AFI = 225).
- Le rapport de l’échographie du 24 août 2012 effectuée à 34 sa, lequel note que le volume de liquide amniotique, bien que normal, se situe toujours dans le 90e percentile (AFI = 229).
- Le rapport de consultation de l’hôpital du 17 septembre 2012, attestant de la mort intra-utérine de ma fille.
- Le rapport obstétrical de l’accouchement, dans lequel le médecin questionne la présence d’un polyhydramnios.
- La directive clinique de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) Surveillance du bien-être fœtal : Directive consensus d'antepartum et intrapartum (2007).
- The Merck Manual, Intra–Amniotic Infection (Chorioamnionitis), indiquant les symptômes nécessaires au diagnostic clinique de chorioamniotite.
- Le rapport d’autopsie de ma fille.
Pour toutes ces raisons, je prie le Collège des médecins du Québec de procéder à une enquête afin de déterminer s’il y a eu des manquements dans le suivi effectué par le Dr XXX dans le cadre de ma grossesse. Dans l'attente d'une réponse à ma requête, je vous prie de recevoir, Madame, Monsieur, mes salutations distinguées.