Papa et moi n'étions déjà plus des jeunots lorsque l'on s'est rencontré. Tous les deux passionnés de montagne et de voyages, nous avons parcouru pas mal de kilomètres et de dénivelé avant d'envisager de partager tout cela avec un enfant et créer notre famille. Au point que nous nous disions prêts à ne pas réaliser ce projet si la nature ne nous en donnait pas l'occasion. Mais celle-ci est arrivée un jour de mars 2010 après une escapade à deux de quelques jours en ski de rando.
Me sentant en pleine forme pendant ma grossesse, j'ai continué ma vie presque comme avant, très active dans le sport et au boulot sans me poser de questions ni être spécialement attentive à ce qui se passait en moi. J'étais ravie, un petit gars c'était mon souhait. Tout allait bien, j'avais toujours vu des grossesses qui se passaient bien jusqu'au dernier jour et avec mon énergie et mon optimisme habituel, je n'imaginais pas une seconde qu'un problème pouvait survenir. Personne autour de moi (y compris le gynéco) ne le pensait non plus.
A l'écho du 7ème mois, le gynéco avait tout de même remarqué que tu n'étais pas bien grand ni gros (sans me parler de retard de croissance). Comme dans ma famille, les bébés sont plutôt petits formats, je n'avais pas été inquiétée. Il avait cependant prévu une nouvelle écho à 8 mois pour vérifier.
Entretemps, je commençais à avoir du mal au boulot. En fin de journée, j'avais le ventre tout tendu et quelques douleurs. Mais n'ayant pas vécu d'autre grossesse, je me disais que tout cela était normal. Je travaillais intensément pour essayer que tout soit en ordre avant mon congé.
Après avoir passé la main à mon remplaçant, j'ai payé la fatigue accumulée et ai été mise en arrêt par mon médecin traitant. C'était début octobre.
Pendant ce temps, Papa s'activait le week-end pour terminer les travaux à l'étage et préparer ta chambre. Il me sollicitait parfois pour lui donner un coup de main.
Le 11 novembre, j'étais montée plusieurs fois l'aider à tenir des plaques alors que j'étais assez fatiguée. Le soir, un des ses amis est venu manger à la maison avec son chien. La soirée n'a pas été reposante. En me couchant ce soir-là, j'ai eu de violentes douleurs à l'estomac, des nausées et des maux de tête. Dans un demi-sommeil, papa m'a proposé d'appeler les pompiers. Ne voulant pas les alerter pour rien, je lui ai demandé d'appeler la clinique où je devais accoucher. Ils nous a été répondu de ne pas nous inquiéter. Sans plus.
Ma nuit n'a pas été terrible et le lendemain, j'étais complètement amorphe et j'avais très mal au ventre dès que je bougeais. C'est papa qui m'a dit d'aller voir le médecin traitant. Il m'a fait faire une analyse d'urine et dès qu'il a eu le résultat nous a dit par téléphone d'aller aux urgences de la clinique. C'était le 12 novembre en fin de journée.
Les sages-femmes m'ont mis sous monitoring, on avait du mal à trouver ton pouls, il était très faible. Malgré cela, on m'a demandé si je me sentais de rentrer chez moi.
Même si je ne me rendais pas compte de la gravité de la situation, je sentais quand même bien que ce n'était pas normal. Elles ont donc appelé la gynéco de garde qui, elle, n'a pas tergiversé pour prendre la décision d'une césarienne en urgence. Quand je suis partie pour la préparation, j'ai souris à papa. En moi-même je pensais "Et bien, il arrivera plus tôt que prévu".
La perfusion pour l'anesthésie n'ayant pas été bien faite, il a fallu la refaire. Ce qu'il s'est passé entre ce moment-là et celui de mon réveil à l'hôpital où j'avais été transportée par le samu en état de coma artificiel, je l'ai appris par papa et les médecins dans les jours qui ont suivi après être sortie de réanimation puis des soins intensifs.
On t'a sorti par césarienne mais tu étais déjà en arrêt cardiaque et ils n'ont pas réussi à te réanimer. De mon côté, j'avais fait une préclampsie sévère avec helpp syndrome. Ma tension etait montée à 22, j'ai fait une hémorragie interne nécessitant une éventration et me suis retrouvée avec un hématome au foie. La vie m'avait épargné de peu mais ce n'était malheureusement pas le cas pour toi.
Ton papa a été formidable. En plus d'avoir vécu tout cela en direct, t'avoir perdu et avoir failli me perdre, il a été à mes côtés, a pris tout en charge. Ma famille s'est déplacée de loin pour venir me soutenir et m'a aussi donné envie de me battre pour m'en sortir plutôt que de sombrer.
Un peu plus de 5 ans ont passé depuis. Après avoir récupéré physiquement, il y a eu le contrecoup psychologique et des moments difficiles. Le sport, le soutien de ton papa, de mes amis, de ma famille m'ont bien aidé. Nous nous étions projetés parents et notre envie de créer une famille en est sorti renforcé. Nous avons donc affronté le parcours des inséminations puis de la FIV qui a fonctionné du 1er coup. Après une grossesse très surveillée et une césarienne à 34,5 semaine pour cause de RCIU sévère, nous avons accueilli ta petite soeur Pauline le 1er octobre 2013.
Il m'a fallut du temps pour cela mais je revendique aujourd'hui être maman de deux enfants et, entre autres, par le biais de ce forum, continuer à te faire exister.
Il me restera le regret de ne pas avoir pu te prendre dans mes bras mais tu restes à jamais dans notre coeur et notre mémoire.