Je vais commencer mon témoignage en vous mettant dans le contexte, pour moi c'est très important car ce fut un deuil de plus à faire par la suite.... et qui n'est pas terminé d'ailleurs...
Lors d'un voyage en Bolivie je suis tombée enceinte. J'étais là-bas depuis une dizaine de mois déjà. Je m'étais trouver du travail comme professeure d'anglais dans un collège. J'allais à l'occasion dans une réserve d'animaux sauvages, dans la jungle pour prendre soin des animaux. C'était des conditions très rudimentaires mais je m'y sentais tellement bien. C'est là que j'ai connu un jeune homme..... au début on avait une relation très amicale puis s'est développer une attirance physique, mais sans plus. Il était trop jeune et on n'avait nullement le désir de s'engager. Un jour j'ai voulu arrêter cette relation mais ... pas lui.... il m'a alors forcé à rester avec lui. Il me retenait dans une chambre d'hôtel, je n'avais le droit de sortir qu'avec lui quand il ne travaillait pas. Je travaillais au collège donc je devais sortir seule pour y aller, c'était ma seule permission... Un soir j'ai tenté de lui résister et hop... il m'a mise enceinte.... on l'a su 1 mois plus tard. En apparence il était bon garçon mais .... l'abus psychologique y était... j'étais encore plus prisonnière car je portais son enfant, il contrôlait ce que je mangeais et faisais. 2 mois plus tard j'ai réussi a me trouver une chambre dans la ville où je travaillais et j'ai déménagé alors qu'il travaillait, en cachette. Il savait que je cherchais a m'enfuir, il a donc caché mon backsac qui contenait mon passeport... je ne sais où..... encore prise en otage grrrr. il a fallu que je lui montre où je demeurais pour le ravoir. Après cette épisode, il est revenu 2 fois en tentant de me manipuler et de m'amener à l'hôtel. Par chance, j'avais repris mes forces et je ne me suis pas laissé faire. De plus, j'avais des gens autour qui me connaissait maintenant ça me donnait plus de détermination encore.
J'avais un contrat de travail, je m'étais inscrite à l'université là-bas pour mon visa.... et l'avortement n'est pas une option dans ce pays..... que faire.... j'avais 26 ans et je me sentais prête a avoir des enfants. J'aurais certainement aimé en avoir avec un homme que j'aime mais bon...... il me fallait assumer. J'ai donc chéri cet enfant qui grandissait en moi. Je l'ai aimé de tout mon coeur. Je m'efforçais de bien manger... ce qui était un peu difficile où j'habitais, le lait en poudre, pauvre en fruit et légume mais extra riche en viande, patate et riz blanc. J'allais faire mon épicerie dans la grande ville à près de 3 heures de route en taxi collectif. Trouver un médecin compétent était une tâche difficile car ils ne voient pas la maternité comme nous ici.... donc les premiers mois furent difficile. J'ai décidé de revenir au Canada à 6 mois et demis de grossesse. Choix difficile car je n'étais pas prête à revenir, j'avais encore à accomplir là-bas..... mais je savais intuitivement qu'ici je serais supporter et que j'aurais de l'aide....
Retour au pays en douce, chez mon père. Trouve un médecin, passe une écho à 36 semaines.... et voilà, j'apprends que mon bébé a un gros abdomen.... j'accouche quelques jours plus tard.... césarienne d'urgence... bébé en souffrance et décollement placentaire. Ils l'ont donc envoyé en néonatalogie. Je l'ai vu que 8 heures après l'accouchement, 5 minutes, puis revue avant son départ... elle fut transférée à Ste-Justine le jour même alors que moi je du rester à Maisonneuve-Rosemont, il n'avait pas de place pour moi là-bas..... je devrai passer une nuit loin de mon bébé.... une nuit interminable ! la plus longue de ma vie.... Je me souviens des femmes qui étaient avec moi dans la chambre avec leur bébé.... une m'a offert de prendre son bébé dans mes bras...... un beau geste de compassion mais ..... non ce n'était pas le mien.... j'ai pleuré et pleuré..... je n'avais que le téléphone pour me distraire.... j'ai donc parlé et parlé avec mes amies qui heureusement était très disponible. On m'a finalement transféré le lendemain mais je n'ai pu la voir que le soir car j'avais subie une césarienne donc je ne pouvais me déplacer seule. Une amie est venue me visiter et on y est aller.... ma petite Samelia avait effectivement un gros ventre, un foie et une rate trop gros, un retard de croissance évaluer à 30 semaines au lieu de 36 et 6 jours. Plus tard, j'apprends qu'elle a des micro-calcifications au cerveau ce qui l'empêchera de se développer.... durant les 3 jours qui suivent je fais l'aller-retour entre ma chambre et celle de Samelia, les spécialistes font la file pour me rencontrer et pour trouver ce qu'elle a.... 6 jours après sa naissance, le verdict tombe. CMV congénital. Un virus que j'aurais attrapé avant la 20e semaine de grossesse.... et là.... les questions, est-ce que ça se traite, comment vivra-t-elle avec ces séquelles.... tour des spécialistes encore une fois..... assise autour d'une table avec une dizaine de docteurs...... on me dit que les chances qu'elle ait une vie satisfaisante sont faibles. Ses poumons sont compressés par son gros ventre et son cerveau.... très mal en point....donc déficience intellectuelle certaine mais à quel degré... impossible à déterminer. Jusqu'où j'étais prête a vivre avec un enfant ayant une déficience... là était la question à ce moment là. Je passais 8 heures par jour avec elle, ne prenant le reste du temps que pour me doucher, manger et dormir. Je ne voulais pas la laisser partir, tout ce que j'avais vécu aurait perdu son sens. Elle ne pouvait pas partir...... mais j'ai du me rendre à l'évidence et me résigner, on m'a demandé quand je voulais faire ça.... décider du moment de la mort de son enfant.... décider de la faire mourir...... mais finalement avec le recul je me rends compte que ce n'étais pas un choix....
Alors, on était à son 12e jour de vie....à l'hôpital, ils m'ont donné la chance de dormir à ses côtés pour la dernière nuit car le lit d'a côté étais inoccupé puis le lendemain ils nous ont installés dans une chambre privée, on lui a administré de la morphine .... on a enlevé toute les électrodes.... seul son respirateur restait. Je l'ai lavé, je l'ai baptisé à ma façon .... et puis on a enlevé son tube, posé devant moi sur un lit de camp... elle a tenue 1 heure sans son respirateur, je l'ai bercé, j'ai dansé avec elle..... puis elle s'est envolée. Je me suis assoupie à ses côtés et j'y ai dormi 5 heures !! l'infirmière n'osait pas me déranger :-) toute une chance que j'ai eu... j'ai pu l'accompagner jusqu'à la toute fin....
Ces évènements se sont passés en novembre 2008. Samelia est née le 27 octobre 2008 et est décédée le 8 novembre 2008.... dans 1 mois ça fera 2 ans.
Je viens de donner naissance à un bébé espoir, le 8 septembre bébé Gabriel est né en très bonne santé. Merci la vie !! Il me reste encore quelques deuils à vivre, le viol à surmonter, le voyage que je n'ai pas terminé...... j'y arriverai :-) Je suis en paix avec la mort de ma petite Samelia et c'est important pour accueillir Gabriel.
Une petite note: Je la surnomais ma p'tite Grenouille pour son gros ventre :-) mais son nom: Samelia vient de Sama, un jaguar avec lequel je travaillais au refuge et qui signifie - courage, force et persévérance - et j'y ai ajouté Amelia pour la féminité.... l'intuition d'une mère.... et une chance que je suis revenue... avoir accoucher là-bas j'y serais peut être resté...
La vie est bien faite parfois... dans nos malheurs il y a toujours de l'espoir et de meilleurs jours a venir.
Courage à toutes les mamans et papas qui ont perdu eux aussi un enfant.