A toi, Shane, ma puce, mon chaton, …mon ange !
12/03/2002 - 11/04/2002
J’ai perdu mon fils, Shane. Il avait 30 jours...
Mon père décède le 31 décembre 1999 d’un cancer des os.
Mon conjoint qui, au cours de l’an 2000 a 30 ans, me dit finalement qu’il est prêt à avoir des enfants.
J’voulais l’tuer !!!
Ca faisait 5 ans qu’il me disait qu’il n’en voulait pas et voilà qu’il affiche ses vraies couleurs !!!
Il me disait que mon père mentionnait toujours qu’on était bien de même (mon père ne vivait que pour sa liberté).
Comme il ne voulait pas le vexer, il disait comme lui. Il aurait pu me dire à moi la vérité, non ?
Anyway, je lâche ma pilule en septembre 2000. Le 12 juillet 2001, je passe un test de grossesse : positif.
Le 1
er août 2001, je fais une fausse couche à 8 semaines.
Moralement, ça allait, car on me dit qu'1 femme sur 6 faisait une fausse couche.
Je suis tombée enceinte de mon ange, Shane, 15 jours après ma fausse couche, soit dans le même cycle mentruel.
Le 12 septembre 2001, test de grossesse : positif.
À 8 semaines, on me passe une écho. Tout est bien, on a un cœur fœtal.
À 12 semaines, on entend le cœur du bébé au bureau. Tout est beau.
A 13 semaines, je vais chez Procréa, Québec, pour un test sur les trisomies. L’écho montre une belle clarté nucale. La prise de sang montre que mes probabilités d’avoir un enfant trisomique sont celles d’une jeune femme de 18 ans. Alors, pas d’amnio pour notre bébé.
A 16 semaines, on entend le cœur du bébé au bureau. Tout est beau.
A 21 semaines, mon écho montre que tout est beau. On ne refera pas d’autre écho à moins que ce soit nécessaire.
A 24 semaines, on entend le cœur du bébé au bureau. Tout est beau.
A 28 semaines, je suis inquiète : je ne sens pas le bébé, juste les même petits effleurements du début. On entend le cœur du bébé au bureau. Tout semble beau mais je trouve que ça prend du temps pour le trouver. Pour me rassurer, on me suivra en clinique G.A.R.E. et on me refera une écho.
A l’écho le doc me dit :
Mais de quoi tu te plains ? Ta grossesse est parfaite. Regarde, il bouge ton bébé. C’est pas moi, ma main bouge même pas !!! Mais moi, j'le sens pas même si je le vois bouger à l'écran.
A 29 et 30 semaines, on me place sur le moniteur et tout semble beau. On a quand même de la difficulté à trouver le cœur du bébé. Cependant, il bat normalement quand on le trouve.
Le mardi, (30/6), on me place sur le moniteur mais j’ai des contractions aux 4 min (sans douleur) mais qui inquiètent l’infirmière.
On me place un soluté pour arrêter mes contractions. Ca fonctionne. Je vais ensuite pour une écho : mon doc n’aimait pas l’augmentation de liquide depuis mon écho de 28 semaines. Le bébé ne bouge pas non plus à son goût.
Le vendredi (31/2) mes contractions reprennent, mais cessent après un bain.
Le samedi (31/3) ça recommence mais les bains n’y changent rien.
À Trois-Rivières, ils essaient d’arrêter mes contractions mais comme ils n’y parviennent pas, le lendemain, on me transfère à l’Hôpital Ste-Justine, Montréal.
Le dimanche (31/4), j’arrive à Montréal dilatée (1+), effacé (100%). Ils tentent pendant 48 heures d’arrêter mes contractions.
Ils y parviennent. A ce moment, je suis dilatée (3).
Mais 12 heures plus tard, soit le mardi, 4h00 am (31/6), je suis réveillée par ce qu’on croyait des gaz et décide de les
minuter. Ces derniers sont aux 8 minutes et durent 40 secondes.
Je demande à voir le doc qui me dit, vers les 6h00 am, que je suis dilatée 8 cm et ils me font une césarienne maintenant.
On appelle donc mon conjoint pour lui dire de s'en venir tranquillement parce que dans une demie heure tout serait fait.
On me fait ma rachie et... on me dit que le doc allait ouvrir.
Ca faisait pas mal, mais c’était désagréable. On aurait dit que mon ventre était fait de jell-o et qu’on me brassait de tous bords, tous côtés.
On me dit que le bébé était sorti. J’ai demandé à plusieurs reprises pourquoi mon bébé ne pleurait pas. On me dit qu’il est rendu aux soins intensifs. A ce moment, je pense : OK, il doit être petit !!!
Quand mon conjoint est arrivé, il est venu me voir et est allé voir notre Ange aux soins intensifs.
À son retour, à ma chambre, il dit: Tout est correct... 3 Lbs 9, 18.5 pouces.
4 heures plus tard, on nous rencontre dans ma chambre pour nous dire que le bébé ne bougeait pas (apgar :
2-2-3), qu’il semblait ne pas avoir de tonus musculaire. Il n’avale pas non plus. On lui avait pris un test d’électricité musculaire et une biopsie du muscle de sa jambe devait être faite pour en savoir plus long.
ON VENAIT DE SE FAIRE FRAPPER PAR UN TRAIN.
J’avais vu mon bébé juste sur Polaroid. Je ne pouvais me lever, césarienne oblige.
Au matin, je le vois : J’ai pleuré, pleuré. J’avais jamais senti l’amour pur comme ça et le malheur en même temps...
Notre Ange était fracturé à 6 endroits. Il y avait plein de bleus sur son petit corps. Étant donné son état flasque, ils ont eu de la difficulté à le sortir, d’où tous ses bleus. Les fractures, finalement, c’est pas difficle à comprendre.
On essayait de se convaincre de toutes les manières que le bébé n’avait rien : Le bébé est fracturé, c’est pour cela qu’il ne bouge pas, etc…
Le 14 mars 2002, L’abbé Aimé, très gentil, le baptise.
Je vous présente Shane Boucher, 2 jours de vie.
Peu importe ce qu’on disait, les docs nous ramenaient toujours les pieds sur terre.
On a prié, pleuré, prié, pleuré. On a même espéré que c’était du à l’immaturité. Hé non, à 2 semaines de vie, les docs ont repris le test d’électricité musculaire et nous ont dit que c’était pareil qu’à la naissance. Ce n’était donc pas de l’immaturité.
Je priais le
Ti-Jisus avec Shane en lui demandant de faire un miracle et de le guérir. C’était la semaine sainte. Toutes les prières étaient permises.
Lors de cette 34
e semaine, les docs nous ont convoqués en réunion.
Il y avait le pédiatre, la résidente qui s’occupait de Shane et Julie, la psychologue. Ils nous ont dit qu’ils continueraient à l’observer mais qu’à 36 semaines, si Shane ne peut respirer seul, ils nous suggéreraient de l’extuber.
Il n’en est pas question. Je veux qu’on le rende à 40 semaines avant de faire quoi que ce soit.
Je ne pouvais m’y soumettre, pour moi c’était un meurtre que de lui enlever l’oxygène. De plus, comment peut-on enlever l’oxygène à notre enfant qui nous regarde droit dans les yeux.
Tout était normal en lui. On lui a fait des examens des cerveau, cœur, foie, reins, poumons, moelle épinière. Tout était normal. Tout sauf son tonus musculaire.
Oh, Shane respirait !!! Mais si superficiellement qu’il ne survivrait pas sans le respirateur.
On n’a finit pas me faire comprendre qu’on ne tuerait pas Shane, on arrêterait de le traiter. S’il devait vivre, il allait le faire.
Depuis le début, je prie mon tit-homme de nous faire signe s’il n’était plus capable de se battre. Tant qu’il se battrait, je serais à ses côtés, je lui tiendrais sa petite main. Sinon, je devrai le laisser aller.Et tout au long de ses jours de torture psychologique, émotive et physique (pour Shane), j’ai senti une présence, une main dans mon dos. Je suis certaine que c’est mon père qui, avec la permission de Dieu, me supportait allant même jusqu’à pouvoir me toucher physiquement. Même toute nue, je sentais encore sa main.
Et le lundi, 8 avril 2002 (35/5), nous revenons à l’hôpital après une courte visite à la maison. Shane commence à faire des folies cardiaques (décélère et déssature) et ce, devant nous.
On paniquait. Ils doivent jusqu’à insuffler l’air dans ses poumons de façon manuelle pour lui permettre de continuer à vivre. Il se laissait aller.
Shane me donnait les signes que je lui avais demandés :
il n’était plus capable de se battre.
Le doc nous dit qu’elle a peur qu’on le rende à 40 semaines. Si on extube maintenant, il se pourrait fortement qu’il nous quitte vu qu’il décélère souvent.
Si on le rend à 40 semaines et qu’il survit, il n’avalera jamais, il ne pourra jamais s’asseoir, encore moins se lever. Mais là, il n’y aura plus de traitement à arrêter.
Il devra donc vivre sans qualité de vie. Il sera gavé et changé de couche toute sa vie. Cependant, son cerveau se développera normalement, ce qui veut dire qu’il aura pleine conscience de sa piètre existence.
On pique nos animaux pour moins que cela. Au nom de quoi, je le soumettrais à cette vie de misère. Suis-je si égoïste que je voudrais le garder à moi à tout prix ???Mon conjoint m’a même demandé si j’étais prête à m’en occupé 24h/7j ? A un moment donné, il aurait fallu le placer.
Aurait-il été maltraité ? QUELLE HORREUR !!! Tout le monde aurait été malheureux.
Mon conjoint m’a suggéré d’agir d’ici la fin de cette semaine-là. Il fallait mettre fin à cette torture.
Nous venions de prendre la décision la plus difficile de notre vie, celle de laisser aller notre fils. Mais pas avant le jeudi. J’avais besoin du support de Julie, la psy, mais elle était là juste les mercredis et jeudis.
On dirait qu’un immense poids vient de se soulever de mes épaules.
Je me sens coupable… Je n'arrive pas à vivre avec le fait que j'aie décidé du jour et de l'heure que j'enlèverais l'oxygène à mon fils.
J'ai l'impression de jouer à Dieu.
Je sais très bien que ce n'est pas le cas, que la nature aura le dernier mot...
J’ai demandé qu'on fasse tout pour qu'il ne meure dans sa
MAUDITE BOITE DE PLASTIQUE (incubateur) en couche, tout seul.
Je voulais qu’il décède dans mes bras, en le berçant, habillé comme un beau petit prince...
Le mercredi soir, 21h00, fut la dernière sortie de Shane pour que je le berce. Juste avant de le remettre dans l’incubateur, je lui ai fait un bisou sur le front et je l’ai senti comme pour mettre son odeur dans ma mémoire.
A ma grande surprise :
j’ai senti le parfum de mon père. Aussi réel que le clavier sur lequel je tape cette histoire.
J’ai alors compris que la main que je sentais constamment dans mon dos était bien celle de mon père. Il était là à me supporter dans mon malheur.
JE T’AIME PAPA. MERCI.
Il est 23h00, il me reste juste 12 hres avec Shane.
Je m’en veux à mort de ne pas m’être reposée durant la journée car je voulais passer les dernières heures à ses côtés.
Je n’ai pas pu, je tombais de sommeil.
Le lendemain matin, je répète sans cesse : Comment je vais faire, comment je vais réussir à le laisser aller…
Je suis au désespoir.
Je me coure comme une perdue.
Les infirmières ont été gentilles avec moi. Elles m’ont fait comprendre qu’on avait pas d’horaire. Que les choses allaient se faire seulement quand je serais prête à les faire.
Ouf!
Alors 11 avril 2002, nous y voilà.
Avec ma caméra vidéo et mon appareil photo, je me prépare à commencer cette journée qui sera la pire de ma vie : Remettre entre les mains de Dieu, ce petit garçon qui avait fait vibrer toutes les fibres de mon corps.
Tout ça juste pour lui.
J’étais déjà remplie à ras bord d’amour pour ce petit être et en même temps, j’étais vidée d’énergie. J’étais à plat.
Je ne vivais que d’adrénaline.
Nous changeons de chambre, un vrai cortège funèbre.
On s’en va dans une chambre où nous serons dans l’intimité.
Ils ont mis un lit et une chaise berceuse dans la chambre.
Je voulais le bercer pour l’endormir pour son dernier repos, tout en lui fredonnant la chanson que je lui chantais pour l’apaiser.
Ensuite, lorsqu’il serait parti, je ferais un beau dodo avec lui, et je le bercerais à nouveau, je le promènerais dans mes bras, …
Alors, on lui donne de la morphine pour être certain qu’il ne souffre pas. Il a sa petite main vis à vis ses lèvres. Je dis à l’infirmière : Il a faim.
Elle lui donne son lait, mon lait. J’ai tiré mon lait depuis le début et il le gavait avec.
Ensuite, je lui donne son bain, je lui met une belle couche neuve, je lui met de la belle crème douce sur son corps qui est libre de tout capteur. Je lui enfile une belle camisole achetée juste pour cette occasion et je lui met un beau pyjama tout neuf (3 fois grand pour lui, mais on a roulé les bords).
Il était beau comme un prince. C’est comme cela que je voulait qu’il me quitte, s’il devait le faire.
Après, papa le berce car il ne voulait pas le faire lorsque Shane sera parti.
Je le reprends et on a appelle le doc pour qu’il vienne enlever le respirateur.
Quand je la vois arriver, je dis tout bas : NON !!! Je ne suis pas prête, je ne suis pas prête, non, non…
Et puis, c’est arrivé.
13h20 : mon petit prince entreprend son dernier combat. Il est si petit mais si fort.
Il me regarde droit dans les yeux. Ca me fait mal à mourir. On voit bien qu’il a de la difficulté à respirer.
À quoi pense-t-il ?
M’en veut-il ?
Suis-je en train de tuer un être que le temps pourrait aider mais je ne lui laisse pas le temps ?
Le personnel médical me rassure en me disant que son hypotonie est trop sévère et qu’il n’aura jamais de qualité de vie. Il fallait le laisser aller.
Son cœur s’est arrêté une fois.
Il a prit une respiration (comme par réflexe) et son cœur est reparti.
Comme pour venir dire me dire aurevoir.
Il perd son combat à 15h20.
Comme nous sommes fiers de toi, Shane.
Tu nous as montré le courage et l’amour à l’infini… et...
Tout est fini…
Fini de se faire réveiller par une prise de sang douloureuse dans le talon gauche (on ne pouvait utiliser le droit car il avait la cheville droite fracturée).
Fini de se faire réveiller par un tube dans la gorge pour manger.
Fini de se faire faire des biopsies sur les muscles des cuisses et d’en souffrir des jours après.
Fini aussi les belles caresses de maman et papa.
Fini aussi les belles chansons que maman me chantait et les belles paroles de papa, quand il me frottait mon petit pied, pour m’apaiser quand j’étais agité.
Fini, fini, fini. Tout est fini.
Papa prend des photos de moi avec maman et tout seul. Les beaux souvenirs.
Maintenant, ce qui commence ce sont les pleurs de maman et papa.
C’est l’ennui, le désespoir, le vide.
Les visites seront seulement celles que maman et papa feront au salon funéraire (columbarium) pour venir voir mon urne.
Ils ont pensé à moi : ils ont placé un beau toutou, ma photo et un beau crucifix avec mon urne. Je ne serai jamais seul.
De toute façon, là où je suis, je suis dans les bras de papi Marcel.
C’est pour cela que maman ne sent plus sa main dans son dos.
C’est parce qu’elles m’entourent et me tiennent fermement afin que je puisse me pencher au-dessus de papa et maman et veiller sur eux comme ils l’ont fait sans arrêt du temps de mon court passage sur la terre.
Je vous aime de tout mon cœur d’ange, papa et maman.
Nous t’avons aimé et nous t’aimerons toujours,
Papa, maman.,
xxxMerci de m’avoir lue.
Natchou