Histoire d'Emmanuel et Nicolas

Le 9 février 2012, mon monde a basculé. Ce jour-là, mon corps à décidé de me fausser compagnie; de me trahir; de donner raison aux craintes que je tentais d’éclipser en me disant : « Ça ira cette fois-ci ».

Et non. Ça n’a pas été.

Ce jour-là, vous n’avez rien senti. Sauf peut-être mon âme qui a craqué.

Le 10 février 2012, l’espoir est revenu. Bien sûr, il était mélangé à la peur, mais il était bel et bien là. Petite flamme vacillante mais ô combien déterminée. Nous allions y arriver. Certes, notre chemin était difficile et éprouvant, mais quel serait notre bonheur de l’avoir traversé! Nous avons donc établi « le siège », prêts à se battre. Tous les quatre. Armés de toutes les futilités nécessaires pour traverser cette guerre – téléréalités diverses; émissions de cuisine du lundi matin 9h; soaps d’après-midi – tout ça en position horizontale. Du matin au soir. Vingt-quatre heures par jour. Sept jours sur sept. Nous avancions en comptant les journées au calendrier. Une de plus. « Une de plus où vous êtes au chaud et où je peux veiller sur vous. Nous allons y arriver. »

Pendant ce temps où je me gavais des pires idioties de notre belle télévision, Papa se démenait. « Le furet » qu’on s’amusait à le qualifier. Quelle fierté il avait à se battre pour nous quatre; à protéger sa famille et à faire en sorte qu’elle ne manque de rien. Il était incroyable. Vraiment. Comme il a couru. J’aurais tellement aimé me lever un matin en lui disant : « Chéri, c’est terminé! Le trou s’est colmaté. Nous avons réussi ! ».

Les semaines se sont poursuivies, ponctuées par des rendez-vous médicaux hebdomadaires où nous retenions notre souffle. Qu’est-ce qu’on allait découvrir? Quelles seraient les nouvelles? Votre image reflétée dans la petite télévision nous remplissait d’espoir tout en nous brisant le cœur. Étions-nous en train de faire nos adieux? Est-ce que BB1 avait assez de liquide? Comment va BB2? Quels étaient les pronostics? Les diagnostiques? Les probabilités? La prochaine étape? Toutes ces questions qui nous hantaient. Et les fameux « On continue »; « Statu quo ». Nous avons ainsi traversé la dix-septième, la dix-huitième, la dix-neuvième, la vingtième, la …

Non. À vingt et une semaines, je me suis réveillée dans la nuit, la boule au ventre. Que dis-je…? La peur au ventre. Quelque chose n’allait pas. Je vous ai alors parlé très fort mes p’tits loups. Je ne vous ai pas supplié, je vous ai fait confiance. Vous saviez plus que moi. Ce qui comptait, c’était vous. Vous, en santé.

C’est ainsi que le lendemain, 7 mars 2012, nous nous sommes rendus à l’hôpital. Vous m’aviez écouté. On nous a déclaré que nous entrions dans le manège. Doucement, nos cœurs se sont préparés au diapason des vôtres que l’on écoutait et qui résonnaient dans la chambre. Cette fois-ci nous savions, c’était un adieu.

Le 8 mars à vingt-deux heures, ce fut décidé. Le travail serait provoqué à six heures le lendemain matin. Le plus tôt serait le mieux. Pour moi, pour Papa et pour vous. On nous a assuré que vous n’alliez pas souffrir; vous étiez trop petits encore.

Trop tôt. Beaucoup trop tôt.

Tout s’est bien passé. Rapidement.

Emmanuel est né, sans vie, à 11h27.
Nicolas, lui, est né à 12h53 et est décédé dans les bras de Papa à 15h20.

Mes bébés, mes p’tits loups, mes fils. Que votre histoire soit portée haut et fort. Que votre vie si courte, mais si forte et touchante, ne soit jamais oubliée. Vous êtes en moi pour toujours et je porterai votre mémoire. Papa aussi.

On vous aime tant.

Merci Moug et aurore6883.

La douleur de leur perte me hante tous les jours et vivre sans eux est extrêmement difficile. Il me manque tellement...8 semaines que la vie me les a pris. J'essaie d'avancer. Doucement. L'arrivée du printemps est à la fois une bénédiction et une torture. Comme j'aurais aimé les trimbaler dans ma bédaine au soleil...Je serais aujourd'hui à 7 mois de grossesse. Les «Pourquoi» résonnent très fort en moi. Cette injustice...Comment est-ce possible de faire subir cette douleur à des gens! J'essaie toujours de me rappeler que ce n'est pas ma faute, que cet incident est arrivé à cause des risques d'une grossesse gémellaire...mais il y a toujours la colère du «D'autres y sont arrivé, pourquoi pas nous? Pourquoi mon corps n'a pas été capable de porter mes deux bébés?». J'imagine que c'est une étape du deuil qui est normale, que cette colère se calmera, mais pour l'instant, elle est très vive.

Laisser le temps agir...