Il n'y a pas de mots pour ça...

Mon histoire est courte, parsemée de trous de mémoire…

Printemps-Été 2008, j’avais dix-neuf ans. Je venais de terminer le cégep où j’avais passé les deux plus belles années de ma vie. C’est une époque qui alliait l’insouciance de l’enfance et la liberté de l’âge adulte et, avec mes copines, nous avions profité au maximum de ces deux merveilleuses sensations.

Tandis que mes copines quittaient notre petites villes natales pour les différentes universités de la province, je nageais en pleine indécision : est-ce que je voulais étudier le droit, la psychologie? Est-ce que je voulais partir à l’étranger? Devant l’absence de réponse, j’ai laissé filé la date limite d’inscription du 1^er mars. À moi l’année sabbatique, au grand malheur de mes chers parents.

C’est un de ces soirs d’insouciance et de liberté que j’ai rencontré D. dans un bar qui aujourd’hui n’existe plus. Beau garçon qui nous aidait, moi et mes amies, à secourir un gars saoul qu’on avait jamais vu de notre vie. S’en est suivi le traditionnel repas de 3h du matin au Mc Do et de l’échange de numéro de téléphone.

L’été du 400è de la ville de Québec. Je travaillais dans une boutique du Vieux et lui habitait tout près. Nous avons passé l’été ensemble, le dernier été de ma vie. Je me rends compte avec le recul qu’il ne m’aimait pas… L’amour est aveugle, surtout quand on est jeune et naïve.

J’ai tôt fait de me rendre compte que j’étais enceinte, malgré mes règles. Je suis tombé enceinte la veille de mes règles, ce qui est presque impossible. C’est héréditaire, je crois, c’est comme ça que ma mère a eu ma plus jeune sœur. Une double ovulation ou quelque chose comme ça. Un jour, je le savais. Pas besoin de test ou de visite chez le médecin, je le savais, je le sentais du plus profond de mon corps. Je l’ai dit à mes copines, qui ont tenté de m’offrir tout leur soutien malgré les kilomètres qui nous séparaient maintenant.

Quelle sensation étrange de construire un bébé… Une enfant qui attend une autre enfant…

D. n’était pas heureux, mais alors là pas du tout. Quand je lui ai parlé de mes doutes, il m’a dit « hum… tu surveilleras ça, parce que c’est pas drôle un avortement ». Mais qui parle d’avortement? C’est une des dernières discussions que nous avons eues.

Il avait 24 ans, un emploi stable. J’en avais 19, aucun diplôme, sinon mon DEC en sciences humaines, aucune économie, rien devant moi. J’avais lui comme bouée de sauvetage, mais le rôle ne l’intéressait pas. Il est parti.

Notre rupture a été marquée par la très belle chanson le Repère Tranquille de Vincent Vallières. Je me souviens comme je pensais à lui lorsque j’entendais « Le feu brûle encore, même si c’est fragile… »

Bref…

Un matin d’octobre, un jeudi, je déjeune avec ma copine, revenue dans notre petite ville pour la semaine de lecture. C’est à ce moment-là que c’est arrivé. Arrivée à l’hôpital, je ne me souviens que d’avoir senti quelque chose passer entre mes jambes. D’avoir dit « NON ! » en essayant de me lever, de m’appuyer sur les coudes. De l’infirmière qui me couche de force, pour que je ne vois pas tout ce sang. De ma copine, qui attend. Puis plus rien.

Des mois qui ont suivi, je n’ai aucun souvenir, ou presque. J’ai vaguement en tête une matinée passée contre une pierre tombale et le noir de ma chambre. Tout d’un coup j’avais 1000 ans.

J’ai passé des mois enfermée dans ma tête. Assise sur le bord du St-Laurent à regarder la vie continuer, sans moi. « La planète tourne. Est pas supposée tourner sans moi », chante Dédé Fortin. Longtemps j’ai voulu mourir, tout comme Béatrice, ma petite fille. Longtemps j’en ai voulu à D., je lui aurais arraché la tête, je lui faisais porter le poids de tout. Pour ne pas m’en vouloir de l’avoir tuée… Béatrice, pardonne moi. Combien de fois ais-je murmuré cette phrase au ciel?

Est-ce que c’est possible d’être si jeune et d’avoir tant perdu?

Je les ai toutes entendues, les phrases toutes faites. « Ce n’était pas le bon moment dans ta vie » « Elle n’aurait pas eu de père, elle n’aurait peut-être pas été heureuse » « On sait pas, elle aurait peut-être été malade » « Tu es jeune, tu vas en avoir d’autres » et, la plus terrible de toute « Rien n’arrive pour rien » Cette phrase me donne des envies de meurtre!

Puis un jour, le 25 juin 2009, j’ai eu la chance de rencontrer un petit jeune homme d’une douceur sans nom. À 21 ans, j’étais sa première copine et il avait le regard naïf des premiers amours. Il m’a entourée de soins, de sourires et d’amour et un jour, grâce à lui, un miracle : j’ai rit. Tranquillement, la vie m’intéressait. Malheureusement, mon cœur mutilé n’avait rien à offrir et aujourd’hui, nous ne sommes plus ensemble. Je regrette, ça aussi.

Aujourd’hui, avril 2010. J’ai 21 ans. Dans cinq jours j’aurai fini ma première année d’université, en service social. Je travaille dans mon domaine, avec les petits enfants.

La semaine passée, je suis allée la visiter au cimetière. Dans mes oreilles, Le Repère Tranquille qui joue doucement. Tout d’un coup, j’ai eu l’impression que ma fille tentait de me parler, de sécher mes larmes. Les paroles « Et si je m’ennuie de toi, je suis bien là-bas » avaient une nouvelle résonance, dégageaient une nouvelle atmosphère. Elle me parlait, je crois…

Je ne suis pas capable de faire ma paix avec Béatrice. Je ne sais pas comment la laisser aller. Dans un an, fin avril 2011, dès le dernier examen terminé, je m’envolerai vers l’Espagne, vers le chemin de Compostelle où, pas à pas, je tenterai de trouver une façon de pardonner. À elle, à son père, à moi, à tout...

Il n'y a pas de mots pour ça...

J'aime comment tu as écris ta malheureuse histoire...et je comprend très bien le bout "être si jeune et avoir tant perdu..." puisque je nage en plein dedans. Notre histoire ne se ressemble pas, mais je comprend que tu ne saches pas comment la laisser aller...
j'ai toujours l'impression de retenir ma Mathilde ici...
bon courage dans tout xxx

Merci Marie.

En effet nous étions bien jeunes...

J'ai lu ton histoire. Ça crève le coeur. Je sais qu'il n'y a rien à dire... mais mes pensées vont vers toi. xxxx

Moi aussi j'ai trouvé ça très beau comment tu as décrit ton histoire, son histoire. Je me suis sentie interpellé par tes références aux chansons, la musique c'est ce qui m'aide et en même temps me rappelle de beaux souvenirs avec mon fils.

Je te souhaite de trouver ce dont tu as besoin à Compostelle.

Merci beaucoup!

Il y a aussi "Like a song" de Lenka qui fait penser beaucoup à ma fille. Si tu ne la connais pas, je pense que tu devrais l'aimer.

Je viens d'aller écouter "Like a song", c'est vraiment une belle chanson, c'est tellement proche de ce que je vis, de ce qu'on vit toutes.

Merci pour cette belle découverte.

Allo cherie 03,
Oh, quelle histoire ... tu écris si bien! C'est tellement vrai qu'il n'y a AUCUNS mots pour ca... POUR TOUT CA.... ces histoires d'horreurs que l'on vi, ces cauchemards....

Je te comprend dans ton impression d'être agée de 1000 ans... J'e n'avais que 20 ans quand ca mest arrivé, pour la première fois...

Je te souhaite courage, et, ne te gènes pas si tu veux me parler en mp, je suis disponible pour toi, si tu veux...

J'ai été très émue en lisant ton histoire...c'est vrai tu écris très bien !
j'ai aussi ressentie beaucoup d'amour pour ta petite fille, et de tendresse
c'est difficile de laisser nos petits s'envoler, j'éspère que lors de ton pélerinage à ST Jacques de Compostelle, tu trouverasla force de lacher sa petite main.....
pleins de pensées musicales pour ta petite princesse
Sylvie

Et bien moi, je vasi avoir un discours un peu différent...
Je ne vais pas te dire de lacher la main de ta fille, je pense que nous mamanges porterons toujours dans notre coeur notre ange... Non, tu n'oubliera pas...
Par contre oui, met toi en paix avec son départ. Il faut l'accepter, et c'est peut etre cela le plus dur...

Ce chemin de Compostelle, fait le pour toi mais aussi pour elle... Pour lui rappeler que tu l'aime, que tu ne l'oubliera pas, mais que tu as besoin de poursuivre ta vie. J'espère que tu trouveras l'appaisement que tu cherche à chaque pas !

je suis de tout coeur avec toi, j'ai perdu ma première puce je n'avais pas encore soufflé mes 16ans.
tu n'oublieras pas béatrice, mais cela t'apportera peut-être une sorte de paix.
essaie de te pardonner, car je suis sûre que ta fille ne t'en veut pas car tu n'as pas choisi, la vie a choisi pour vous deux.
que mes pensées t'accompagnent.

Notre histoire est différente mais je te comprend quand tu dit qu'on es si jeune et qu'on à tant perdu...
Courage ma belle... La vie va à nouveau te rendre heureuse j'en suis certaine...

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