Il a moi aussi bien longtemps que je lis vos douloureuses expériences sur ce portail, mais je n'avais encore jamais trouver la foce de raconter la mienne. Vos échanges m'ont permis de mettre des mots sue ce que nous ressentions, et aujourd'hui je suis prête...
Il y a maintenant 4 mois nous avons dû affronter une terrible épreuve de la vie. Je sentais grandir en moi l’enfant que nous avions désiré, notre premier enfant. Nous étions heureux et faisions des projets d’avenir pour notre famille. Et puis un jour un mauvais pressentiment et de terribles douleurs nous conduisent aux urgences de la maternité. Enceinte de 5 mois à l’époque j’avais le corps d’une femme enceinte de neuf moi. Alors que mon gynécologue examine avec attention les images de l’échographie sur son écran, mon cœur s’arrête au moment où je vois passer sur son visage une inquiétude certaine. Je regarde mon conjoint, il est aussi perdu que moi. « Il y a un problème » m’annonce alors posément et calmement mon gynécologue. Sa douceur me rassure, je ne panique pas : « à chaque problème sa solution ». Je me répète sans cesse cette phrase dans la tête afin d’essayer de m’en persuader. Il nous fait part de ses doutes quant au diagnostic et m’oriente vers un hôpital spécialisé dans le diagnostic périnatal. Sur le trajet, mon conjoint et moi ne parlons pas, perdus dans nos pensées, essayant de se raccrocher à la moindre pensée positive. Je suis alors prise en charge par une gynécologue obstétricienne spécialisée dans les grossesses pathologiques. Elle m’examine, l’échographie et longue, interminable, je souffre terriblement. « Nous allons nous assoir et discuter » nous dit elle. A ses côtés une autre femme médecin. Toutes deux sont calmes et posées et puis je vois ses yeux rougir. C’est à ce moment là que je comprends, tout s’écroule ! Mais j’ai besoin de l’entendre, qu’elle me le dise. « Votre Bébé est en grande difficulté » nous annonce-t-elle. « Il ne souffre pas. Tant qu’il est en vous il ne souffre pas. Mais son cœur est compressé par des poumons hypertrophiés. Son cœur va s’arrêter de battre, quand, je ne le sais pas, mais votre petit garçon ne pourra pas vivre » Cette femme est habituée à ces situations heureusement d’ailleurs car son empathie nous porte. Elle se sent concernée. S’ensuivent alors l’annonce des « solutions ». Nous avons le choix ; soit nous choisissons le recours à une interruption médicale de grossesse soit j’attends la mort de mon petit garçon in utéro. Dans ma tête je me dis : « comment peut-on me demander de choisir entre l’attente de la mort de mon enfant et la décision de lui donner la mort au lieu de lui donner la vie !! ». Je veux le garder, je ne veux pas m’en séparer, jamais ! Je le sens bouger en moi, il est en vie, je l’aime, nous l’aimons. Mon conjoint si tendre, si patient, si présent me soutiens dans mes choix. Notre décision est unanime, « nous allons attendre ». Les jours se passent, je profite de chaque instant de partage avec mon enfant, je vis ce que j’ai à vivre avec lui, je suis réceptive au moindre mouvement de sa part, je lui parle, lui dis tout ce que j’ai à lui dire. Et puis un jour je me réveille avec un sentiment de tristesse indicible. Il faut que ça s’arrête, je suis en train de me noyer ! J’ai peur qu’il souffre, j’ai vraiment peur. Il ressent toute ma souffrance je le sais. Nous choisissons alors d’avoir recours à une interruption médicale de grossesse. On nous explique alors toute la procédure ; nous aurons le droit de reconnaître notre enfant, de lui donner un prénom. Nous pourrons le voir si nous le souhaitons, nous aurons droit aux congés de maternité et de paternité si nous le souhaitons… En ce qui me concerne la question ne se pose pas, bien sûr que je veux voir mon enfant ! Je sais que certaines personnes de mon entourage trouvent cette idée « morbide », mais rien de ce qu’ils pourront me dire ne pourra me faire changer d’avis. Je sais que le fait de voir son enfant mort est essentiel au travail de deuil, il est nécessaire d’être confronté à la réalité. « Pour pouvoir lui dire au revoir, il faut déjà que je puisse lui dire bonjour ». Mon conjoint lui a choisi de ne pas le voir, j’ai compris ce choix et je le respecterai toujours. Mais il restera près de moi tout au long de l’accouchement. Le personnel médical nous considère comme des parents à part entière, ils sont particulièrement attentionnés avec nous. Je me rends compte aujourd’hui que nous avons eu beaucoup de chance. Beaucoup de couples dans notre cas n’ont pas eu autant de considération. Hors un accompagnement médical de qualité, la reconnaissance du statut de parents sont essentiels à la reconstruction. C’est cette reconnaissance qui nous permet d’avoir la tête hors de l’eau et de ne pas sombrer. Le 14 Juillet, alors que les gens font la fête dehors, j’accouche de mon enfant. C’est long, très long, interminable, la journée se passe et mon col est à peine dilaté. Heureusement la péridurale est là pour m’aider à supporter la douleur. Et mon conjoint toujours aussi présent à mes côtés, c’est mon Pillier ! Sa seule présence m’apaise. En fin de soirée arrive « ma » sage-femme, la seule avec qui nous nous sentons vraiment à l’aise. A ce moment là, tout ce déclenche. Je suis envahie par des sentiments très contradictoires ; je suis impatiente mais j’ai envie d’arrêter le temps, je suis heureuse et profondément triste et au final tout ce que je veux c’est voir mon enfant, le porter, l’embrasser. Très rapidement la sage femme l’emporte avec elle pour le préparer. Ce qui me touche le plus c’est qu’elle est délicate avec lui, elle le porte comme n’importe quel autre enfant qui viendrait de naître. Je ne la remercierai jamais assez pour cela. Elle revient me voir, seule, elle prend le temps de me décrire l’apparence physique de mon fils afin que je ne sois pas « choquée ».Puis mon conjoint sort et elle revient avec mon fils. Je me retrouve enfin seul avec lui « Dieu que je l’aime cet enfant », je suis tellement fière de lui. Je partage avec mon fils, le moment le plus intense de toute ma vie. J’ai envie que le temps s’arrête, qu’on nous laisse tranquille. Mais très vite la réalité me rattrape, je dois lui dire au revoir.
Nous avons appelé notre fils Ael, prénom qui signifie ange en breton. Un prénom qui nous avait interpelés bien avant que tout s’écroule, comme quoi…
Aujourd’hui il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui. Nous apprenons à apprivoiser son absence physique. Ce qui m’apaise c’est de savoir qu’il est présent dans notre cœur à tout jamais. Après tout, la mort fait partie de la vie et nous devons apprendre à vivre avec cette idée.
Je suis une mamange et nous t’aimons mon Amour.